Une équipe de recherche menée par la professeure Marie-Claude Rousseau, de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), et le Dr Prévost Jantchou , chercheur au Centre de recherche Azrieli du CHU Sainte-Justine et professeur au Département de pédiatrie de l’Université de Montréal, a fait plusieurs découvertes prometteuses en lien avec les facteurs de risque des maladies inflammatoires de l’intestin.
Cette étude, réalisée auprès de 2728 Québécois et Québécoises, apporte de nouvelles connaissances scientifiques sur l’étiologie de la maladie de Crohn et de la colite ulcéreuse, ces maladies chroniques et incurables dont les causes ne sont pas entièrement élucidées à ce jour. Les résultats de ces travaux ont fait l’objet d’un article publié dans la revue Digestive and Liver Disease.
«Les maladies inflammatoires intestinales touchent près de 1 personne sur 100 au Canada. Elles altèrent grandement la qualité de vie des patients. Avec nos travaux, nous fournissons des pistes de prévention concrètes, puisque tous les facteurs étudiés sont à priori modifiables par un changement des habitudes», explique le premier auteur de l’étude, Canisius Fantodji, doctorant en épidémiologie et immunologie sous la supervision de Rousseau à l’INRS.
Il s’agit de l’une des rares études portant sur des expositions au début de l’enfance, soit de zéro à trois ans, à des éléments néfastes ou susceptibles de l’être. La petite enfance correspond pourtant à une période cruciale dans l’établissement et la diversification du microbiote intestinal, cet écosystème microbien qui joue un rôle clé dans la santé intestinale.
Allaitement et alimentation de l’enfant, des facteurs majeurs
L’équipe de recherche a observé l’incidence de l’allaitement maternel et de l’alimentation pendant la petite enfance sur le risque de souffrir ou non de maladies inflammatoires de l’intestin plus tard dans la vie. En effet, ces deux facteurs agissent directement sur la composition du microbiote.Au sujet de l’alimentation, l’équipe a fait une découverte inédite: une légère augmentation du risque de la maladie de Crohn a été observée dans le cas de l’introduction précoce d’aliments solides, soit lorsque l’enfant est âgé de trois à six mois, comparativement à une introduction plus tardive (plus de six mois).
«Nos travaux indiquent que l’introduction hâtive d’aliments solides chez le nourrisson pourrait augmenter le risque de développer la maladie de Crohn plus tard dans la vie. C’est une découverte qui devra être vérifiée dans d’autres populations et qui ouvre la voie vers de nouvelles pistes pour la recherche dans ce domaine», souligne Marie-Claude Rousseau, spécialiste de l’épidémiologie et des maladies inflammatoires et auto-immunes.
L’équipe de recherche insiste également sur l’importance de l’allaitement maternel exclusif lorsqu’il est possible. En effet, celui-ci tendrait à diminuer le risque de développer la maladie de Crohn. Cette observation s’inscrit en concordance avec les connaissances scientifiques actuelles et vient appuyer les recommandations en matière de nutrition infantile.
Les dangers de la fumée secondaire
Les dangers du tabac sur la santé sont largement reconnus par les scientifiques et le grand public. Mais pour la première fois, il a été démontré que les enfants exposés à la fumée secondaire du tabac pendant leurs trois premières années de vie ont un risque 23 % plus élevé de souffrir de la maladie de Crohn par rapport aux sujets qui n’y ont pas été exposés. Le tabagisme actif du sujet lui-même à l’âge adulte aurait un effet, bien que réduit, sur ce risque, un aspect inexploré auparavant.«Nos travaux ont permis de dégager plusieurs constats uniques pour l’avancée de la recherche, particulièrement pour ce qui est de l’influence néfaste de la fumée secondaire chez les jeunes enfants dans le développement des maladies inflammatoires intestinales», précise Canisius Fantodji.
«Jusqu’à aujourd’hui, peu d’études ont porté sur les liens entre l’exposition secondaire à la fumée du tabac dans la petite enfance et les maladies inflammatoires de l’intestin et aucune étude n’avait permis de déterminer dans quelle proportion le tabagisme actif des participants plus tard dans la vie explique le risque d’être atteint de ce type de maladie, souligne le Dr Jantchou, clinicien-chercheur et gastroentérologue au CHU Sainte-Justine. Cela nous rappelle l’importance d’éviter l’exposition des enfants à la fumée du tabac, non seulement pour leur santé générale, mais aussi pour limiter le risque de développer des maladies intestinales chroniques dans le futur.»
À propos de cette étude
L’article « Early life exposures and risk of inflammatory bowel disease: A nested case-control study in Quebec, Canada », par Canisius Fantodji et ses collègues, est paru dans la revue Digestive and Liver Disease.La Cohorte de naissance québécoise sur l’immunité et la santé, utilisée pour sélectionner les participantes et participants de l’étude, a été mise en place avec un soutien financier de la Fondation canadienne pour l’innovation et du ministère de l’Éducation du Québec , ainsi que des subventions des Instituts de recherche en santé du Canada , du Fonds de recherche du Québec - secteur Santé et de la Société canadienne de la sclérose en plaques.
Ces travaux de recherche ont pu être réalisés grâce au financement des Instituts de recherche en santé du Canada et à un partenariat avec l’Institut de la statistique du Québec. Le Dr Jantchou est chercheur-boursier clinicien du Fonds de recherche du Québec - secteur Santé. Canisius Fantodji est soutenu par des bourses des Fonds de recherche du Québec - secteurs Santé et Nature et technologies, du Regroupement intersectoriel de recherche en santé de l’Université du Québec , du Centre interuniversitaire québécois de statistiques sociales et de la Fondation de l’INRS.