Démocratiser le savoir pour favoriser la démocratie

Depuis 2006, Anessa Kimball enseigne au Département de science politique. Ses ex
Depuis 2006, Anessa Kimball enseigne au Département de science politique. Ses expertises se concentrent autour de la défense, de la sécurité internationale, de la coopération entre les États et de la politique américaine. Ses interventions dans les médias se feront plus fréquentes autour du 5 novembre, date de l'élection à la présidence des États-Unis. - Dany Vachon
Chapeau bas à Anessa Kimball, du Département de science politique, qui met fréquemment son expertise en sécurité internationale et en politique américaine au service des médias

La série Mille mercis vise à reconnaître l’engagement de membres de la communauté universitaire et à leur témoigner de la gratitude. L’engagement peut prendre diverses formes. Il peut se manifester par une implication environnementale ou sociale, par un esprit d’équipe unique, par de la bonne humeur contagieuse et un dévouement envers des collègues, par des projets visant l’équité, la diversité et l’inclusion, par des idées novatrices ou des réalisations remarquables pour améliorer la vie sur le campus. Il se retrouve aussi bien chez les étudiants que parmi les membres du personnel. Si vous connaissez des «perles» dont l’engagement mérite d’être mis en valeur, écrivez-nous à nouvelles@ulaval.ca.

Au-delà des tâches en enseignement et en recherche, les professeures et professeurs sont appelés à mettre leur savoir au service de la société. Plusieurs membres du corps professoral de l’Université Laval sont ainsi sollicités par les médias pour donner leur opinion ou vulgariser auprès du grand public des questions complexes. C’est le cas d’ Anessa Kimball , spécialiste de la politique internationale, très en demande pour commenter les questions touchant les relations internationales et la coopération entre les États. En juillet dernier, Anessa Kimball intervenait pour une 250e fois dans les médias, et ce chiffre grimpera assurément dans les prochaines semaines puisque son expertise est, en outre, très recherchée pour discuter des élections américaines.

«Les Canadiens éprouvent une grande curiosité par rapport au scrutin américain, et ils n’arrivent pas toujours à comprendre pourquoi, avec des millions d’électeurs, on doit compter manuellement quelques centaines de bulletins dans des comtés de Floride avant de déclarer un vainqueur. J’ai commencé à enseigner à l’Université Laval pendant l’ère Bush fils. Je sentais que les gens ici ne comprenaient pas comment un leader aussi impopulaire pouvait continuer à diriger le pays, alors qu’au Canada un chef ne peut survivre sans le soutien de son parti. Et j’ai aussi senti la confusion des Canadiens devant le pouvoir du Sénat américain. En fait, les pères fondateurs souhaitaient résoudre certains problèmes du parlementarisme. Ça a eu de bons effets et des effets néfastes. Mais tout ça mérite d’être expliqué et nuancé», déclare Anessa Kimball, qui se fait un devoir d’éclairer la population canadienne sur le système politique de son pays d’origine.

Ainsi, au printemps, on lui demandait à l’émission Tout terrain sur Ici Première si, avec les nombreuses manifestations propalestiniennes sur les campus, le soutien à Israël serait un enjeu électoral. «De façon générale, les sujets de politique internationale ne sont pas des enjeux d’intérêt pour les électeurs. [Par contre] ce qu’on a vu dans le passé, c’est que quand il y a des manifestations, les jeunes ne participent pas aux élections et ce résultat, de façon générale, favorise les républicains», a répondu Anessa Kimball, qui s’inquiète d’un potentiel désengagement électoral des jeunes Américaines et Américains lors du scrutin du 5 novembre.

Cette inquiétude est d’autant plus vive que l’une de ses préoccupations majeures, en tant que membre du corps professoral et spécialiste qui intervient dans les médias, c’est de convaincre les gens - et surtout les jeunes Canadiennes et Canadiens - de participer à la vie démocratique. «Je dis toujours à mes étudiants, c’est bien beau d’avoir des connaissances en science politique, mais le plus important, c’est de faire son devoir de citoyen et, surtout, de voter», confie Anessa Kimball.

Des choix inspirés de l’histoire familiale

Le civic duty (devoir civique) était valorisé dans la famille Kimball, des fermiers en production laitière depuis 6 générations. Le grand-père était engagé dans la gouvernance des écoles, alors que le père était conseiller municipal. «S’impliquer en politique, c’était dans l’ADN familial», affirme Anessa Kimball.

Son grand-père, un vétéran de la Deuxième Guerre, aimait lui raconter, durant son enfance, ses souvenirs de soldat. «Un jour, il m’a dit ne pas comprendre que des dirigeants éclairés comme Churchill soient incapables d’éviter la violence et le désastre des conflits armés. Ça a été un moment marquant. Il a peut-être semé la graine qui a fait grandir mon intérêt pour les questions de défense et de sécurité. Est-ce vraiment un hasard si je suis spécialiste de l’OTAN, cet accord qui découle de l’alliance de la Deuxième Guerre?»

Hasard ou pas, Anessa Kimball a publié en 2023 l’ouvrage Beyond 2% - NATO Partners, Institutions & Burden Management , où son regard critique se pose sur la règle de l’OTAN qui enjoint à ses membres de consacrer 2% de leur PIB aux dépenses militaires. «Pourtant, avec des menaces et des risques différents pour chacun des pays, il y a de nombreuses nuances à faire dans le partage du fardeau», indiquent ses recherches.

Pourquoi avoir choisi le Québec?

Après des études à l’Université d’État de Kent, en Ohio, et à l’Université de New York à Binghamton, Anessa Kimball a opté pour l’Université Laval d’abord, selon ses dires, pour relever le défi d’enseigner dans une langue seconde. «Et aussi parce que j’ai des origines québécoises. Ma mère est née à Trois-Rivières, mais sa famille a rapidement déménagé aux États-Unis, où ma mère a grandi.» Ensuite, parce qu’au Canada, les relations entre les universitaires et les institutions politiques sont plus étroites. «Aux États-Unis, seuls quelques cercles privilégiés sont consultés, alors qu’au Canada, on écoute davantage la voix des experts qui travaillent dans les universités. C’était pour moi l’occasion de mettre mes connaissances et ma capacité d’analyse au service des citoyens.»

D’ailleurs, Anessa Kimball conseille présentement le gouvernement fédéral dans le dossier d’une coopération plus étendue avec la Corée du Sud en matière de sécurité. «Le Canada ne vit pas isolé. Par exemple, sa prospérité repose grandement sur le commerce international et la sécurité des eaux internationales. Il faut donc établir des modèles de coopération, formels ou informels, avec les autres États.»

Un engagement au quotidien, particulièrement en octobre

Pour Anessa Kimball, l’engagement passe aussi par l’action communautaire: siéger au comité de gouvernance du Cégep Champlain - St. Lawrence et apporter son soutien au Centre des maladies du sein du CHU de Québec - Université Laval.

«Il y a une dizaine d’années, j’ai vaincu un cancer de stade 3 et, depuis, je m’investis, en octobre, dans le mouvement Québec ville en rose. J’ai notamment participé à l’organisation de zumbathons et de campagnes de financement, et j’ai rempli le rôle de porteur de lumière», révèle Anessa Kimball, personne non binaire.

Toutefois, selon ses dires, sa mission sociale principale demeure de conscientiser ses étudiants de même que la population canadienne aux enjeux liés aux questions de défense et de sécurité. «Les gens l’ignorent trop souvent, mais un des postes budgétaires les plus importants du gouvernement fédéral concerne la défense. En fait, c’est le quatrième en importance. En tant que payeurs de taxes et d’impôts, ça devrait nous interpeller», déclare Anessa Kimball.

« Un des postes budgétaires les plus importants du gouvernement fédéral concerne la défense. En fait, c’est le quatrième en importance. En tant que payeurs de taxes et d’impôts, ça devrait nous interpeller. »

-- Anessa Kimball Et ces enjeux sont très variés, allant de l’empreinte environnementale des forces armées à l’aide aux sinistrés, en passant par la surveillance de l’Arctique. «Les citoyens canadiens, en général, ont une certaine naïveté. Nous sommes chanceux de vivre sur un territoire non contesté. Mais les choses peuvent changer vite. Il y a présentement un statu quo en Arctique. Il n’y a pas si longtemps il y avait un statu quo en Ukraine.»

Et surtout, insiste Anessa Kimball, il ne faut pas tenir pour acquis la démocratie. C’est pourquoi on l’entendra encore longtemps informer le grand public sur des questions politiques et intervenir dans les médias, d’un océan à l’autre.

Mille mercis, Anessa Kimball, de promouvoir la démocratie et la participation électorale et de collaborer avec les médias pour une société plus éclairée!

Témoignage

Les journalistes sont sans cesse à la recherche d’expertes et experts pour commenter les dossiers d’actualité. Bon an mal an, l’équipe des relations médias de l’Université Laval reçoit des dizaines et des dizaines de demandes d’entrevue. Chaque semaine, des journalistes nous contactent pour parler à des chercheuses et chercheurs de notre université.

Pour notre équipe, il est précieux de pouvoir compter sur des professeures et professeurs engagés et disponibles, prêts à vulgariser leurs connaissances et à mettre leur expertise au service de l’information.

La société a besoin d’expertes et experts qui n’hésitent pas à faire sortir le savoir du milieu universitaire pour en faire bénéficier tous les citoyens et citoyennes.

Et, avec Anessa Kimball, un éclairage sur les subtilités de la politique américaine est particulièrement bienvenu à la veille des élections aux États-Unis!

L’équipe des relations médias de l’Université Laval