Un désir de déstigmatiser

«En utilisant cette approche plus artistique, on souhaitait que les participants puissent raconter leur réalité, considérant qu’il s’agit d’une communauté qui est souvent mal comprise et qui fait face à beaucoup de préjugés. Ils ont ainsi pu parler de leurs expériences et de leurs croyances, mais aussi de leurs motivations à faire partie de cette communauté», indique Olivier Ferlatte.
Selon le chercheur, les vidéos montrent que cette pratique peut être à la fois sexuelle pour certains et sociale pour d’autres, voire les deux simultanément. Les puppies se rassemblent pour jouer ensemble et créer des liens. Les participants ont rapporté ressentir une moindre pression sociale dans leur rôle de puppy, ce qui leur permet de se sentir plus à l’aise dans leur corps.
«Ça devient comme un espace de jeu qui permet d’être en relation avec d’autres personnes autrement, sans jugement, mais aussi de transformer la relation avec son propre corps», ajoute le professeur.
S’affranchir de certaines normes sociales
«Dans la communauté gaie, la culture masculine perpétue des standards de beauté qui sont prédominants, par exemple la musculature. Et plusieurs personnes se sentent exclues de ces standards-là», souligne Olivier Ferlatte.À la lumière des témoignages des participants, poursuit-il, les tenues en cuir des puppies leur permettaient de se sentir plus désirables et de transcender leur forme physique.
«Je pense que c’est important que les gens se retrouvent, se redéfinissent et apprennent à se connaître un peu plus, puis parviennent à valoriser d’autres aspects de leur corps, de leur beauté et de leur personnalité», estime le chercheur.
Ludique et libérateur
Si d’une part le puppy play propose de se distancier des diktats d’une culture dominante, d’autre part le port du masque et l’incarnation d’une identité de puppy représentent un processus d’introspection profonde.Le choix du masque ou du nom de puppy ne se limite pas à un simple aspect ludique, mais constitue l’une des étapes significatives dans la construction d’une nouvelle facette identitaire, observe Olivier Ferlatte. Cette transformation permet de se libérer et d’oublier temporairement les contraintes et anxiétés associées à l’identité humaine.
«Comme n’importe quel jeu de rôle ou cosplay, on sort du quotidien et de ses préoccupations en prenant une nouvelle identité, une nouvelle personnalité qui est souvent un reflet de soi-même», note le professeur.
À ce chapitre, rappelons que le puppy play invite surtout à lâcher prise et à s’amuser en toute liberté, que ce soit pour jouer à la «baballe» ou à la soumission et domination.
Le puppy play est un jeu de rôle dans lequel les participants se déguisent et incarnent les caractéristiques d’un chien. Ils peuvent porter des masques à l’image de l’animal, aboyer, se déplacer à quatre pattes, boire dans une gamelle, se tirailler avec d’autres puppies entre autres comportements canins.
Marginale, mais grandissante en visibilité, cette tendance s’observe surtout chez les hommes de la communauté gaie, bisexuelle, trans et queer (GBTQ). Bien qu’originellement liée au monde du BDSM (bondage et discipline, domination et soumission, sadomasochisme), et plus particulièrement à la communauté cuir, cette pratique n’est pas essentiellement sexuelle, elle est aussi sociale et communautaire.
Olivier Ferlatte, chercheur spécialisé en santé mentale chez les membres de la communauté LGBTQ+ et professeur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, et son collègue Phillip Joy, de l’Université Mount Saint Vincent, se sont intéressés aux bienfaits de ce jeu de rôle sur l’image corporelle des personnes qui s’y prêtent.