Quels sont les enjeux de la COP29 sur le climat? Entretien avec Timothée Poisot

Le professeur Timothée Poisot explique quelles seront les principales questions qui seront débattues à la COP29 du 11 au 22 novembre à Bakou, en Azerbaïdjan.

La capitale de l’Azerbaïdjan, Bakou, sera l’hôte de la 29e Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP29), du 11 au 22 novembre, où des dirigeants de gouvernements, d’entreprises et de la société civile chercheront à accélérer les mesures visant à lutter contre la crise climatique.

Nous nous sommes entretenus avec Timothée Poisot , professeur au Département de sciences biologiques de l’Université de Montréal et chercheur au Centre de la science de la biodiversité du Québec, afin qu’il nous brosse un tableau des enjeux de cette importante conférence internationale.

La finance sera le sujet principal de cette conférence. Les actions contre les changements climatiques coûtent cher, mais beaucoup moins que ce que pourrait coûter l’inaction d’ici quelques années. À la dernière COP sur la biodiversité [COP16], tenue il y a quelques semaines à Cali, en Colombie, la question du financement était aussi centrale.

Les pays développés avaient promis en 2009 de mobiliser 100 milliards de dollars par an1 pour aider les pays en développement à faire face aux changements climatiques. Cet objectif n’a finalement été atteint qu’en 2022, mais la répartition de ces fonds, en majorité des prêts plutôt que des dons, reste problématique, ce qui renforce les inégalités entre les pays, notamment en raison de l’endettement accru des pays les plus pauvres.

La COP29 tentera donc d’établir un nouveau mécanisme de financement plus équitable, en augmentant de façon substantielle le montant total et en assurant une répartition plus juste entre les pays développés et ceux en développement. L’objectif sera d’atteindre au moins 100 milliards de dollars par an tout en réduisant la part des prêts au profit des dons directs. Ces fonds seront essentiels pour aider les pays les plus vulnérables à mettre en oeuvre des plans d’action et de résilience pour atténuer les répercussions des changements climatiques.

1. En savoir plus sur cette question (site en anglais)

L’importance de la COP29 réside dans l’urgence d’agir contre les changements climatiques. Face à l’accroissement du nombre et de la gravité des phénomènes climatiques extrêmes, le risque principal est que les pays les plus riches, qui ont historiquement le plus produit d’émissions de gaz à effet de serre, ne veuillent pas assumer leur juste part du financement nécessaire. C’est un point récurrent dans les négociations relatives au climat, où les intérêts à court terme l’emportent souvent sur la nécessité d’une action collective ambitieuse.

Mais la COP29 représente aussi une occasion de transformer fondamentalement la façon dont on aborde le défi des changements climatiques. En utilisant stratégiquement les fonds mobilisés, on peut les considérer comme un levier pour favoriser une transition juste et durable dans les pays les plus vulnérables. Cela permettrait de renforcer leur résilience face aux conséquences des changements climatiques tout en soutenant leur développement. C’est un moyen de réparer les injustices historiques et de placer l’équité au coeur de l’action climatique mondiale.

Les discussions comportent-elles des «angles morts», soit des sujets qu’elles devraient aborder de front’

Un sujet important, mais souvent négligé, est la dimension sanitaire des changements climatiques. On estime que ceux-ci sont responsables d’environ 160 000 décès directs par an dans le monde, soit 450 morts par jour2. Et ces effets sont très inégaux, touchant de manière disproportionnée l’Afrique et l’Asie du Sud-Est, où se produisent plus de 50 % de ces décès directement attribuables à la hausse des températures, aux sécheresses, aux inondations et à la propagation de maladies comme le paludisme.

Les changements climatiques constituent donc une véritable urgence de santé publique, qui devrait être mieux prise en compte dans les discussions de la COP29. En quantifiant précisément les coûts humains de l’inaction, on pourrait mieux mobiliser l’attention et les ressources nécessaires. Car ces conséquences sanitaires touchent d’abord les enfants et les populations les plus pauvres, aggravant encore les inégalités.

Mais la vraie question à laquelle il faut répondre est la suivante: quelle est la véritable volonté collective pour que cette urgence de santé publique devienne le moteur qui modifiera notre réponse aux changements climatiques’

Au-delà de cet «angle mort», il faut souligner que les travaux effectués au cours des différentes COP sont très bien documentés, et ce, à tous les niveaux. Ils découlent d’un processus de partage de connaissances scientifiques très robuste. Le besoin de s’adapter est devenu un moteur d’innovation qui a permis de créer de nouvelles approches, comme l’étude de l’attribution: aujourd’hui, il est possible de déterminer dans quelle mesure les activités humaines et les changements climatiques sont responsables des phénomènes climatiques extrêmes, pendant qu’ils se produisent3. Ce qui signifie que les angles morts diminuent constamment.

2. (en anglais)
3. À ce propos, consulter le site de la World Weather Attribution

Le concept des COP est-il toujours pertinent’ Doit-on avoir confiance en la résultante des pourparlers’

Le processus même des COP reste pertinent, malgré les frustrations que la lenteur des travaux peut susciter. C’est le mécanisme le moins imparfait dont on dispose pour que tous les pays s’entendent sur des objectifs communs, même si les moyens mis en oeuvre restent très hétérogènes. La transparence et la traçabilité des négociations sont aussi des atouts importants, elles permettent de cibler les blocages et de responsabiliser les différents acteurs.

La COP29 sera donc une étape cruciale pour accélérer la transition, en misant sur le financement et la justice climatique comme leviers d’un changement durable.