Temps des sucres: chimistes et mathématiciens s’invitent à l’érablière

Crédit : Amélie Philibert | Université de Montréal
Crédit : Amélie Philibert | Université de Montréal
En collaboration avec les Producteurs et productrices acéricoles du Québec, des scientifiques de l’UdeM ont créé un test rapide pour analyser la qualité de la sève d’érable.

Le Québec est un chef de file dans la production de sirop d’érable et son «or blond» est reconnu mondialement pour sa qualité. Dans le but de maintenir ce standard, les Producteurs et productrices acéricoles du Québec (PPAQ) ont fait appel à des scientifiques de l’Université de Montréal pour créer un test portatif permettant de prédire la qualité du sirop à partir de la sève récoltée.

Surnommée «test COLORI», la nouvelle méthode mise au point par des chimistes et des mathématiciens de l’UdeM a été validée scientifiquement; les résultats sont parus aujourd’hui dans la revue ACS Food Science & Technology. En novembre dernier, le test s’est vu décerner le prix Innovation 2022 RSRI par l’Association pour le développement de la recherche et de l’innovation du Québec.

«Grâce au soutien du Consortium de recherche et innovations en bioprocédés industriels au Québec [CRIBIQ], nous avons pu concevoir le test COLORI, le breveter et en produire les premiers 250 exemplaires. Ces tests ont d’ailleurs déjà tous trouvé preneurs auprès des producteurs acéricoles participants», a déclaré Jean-François Masson, professeur de chimie à l’UdeM et coauteur principal de l’article scientifique.

Une nanotechnologie simple et rapide

Kit de test COLORI, la nouvelle méthode mise au point par des chimistes et des mathématiciens de l’UdeM pour prédire la qualité du sirop à partir de la sève récoltée.

Le test COLORI appartient à la famille des nanotechnologies et son utilisation est facile et rapide. Dans un petit tube se trouve une solution de nanoparticules d’or à laquelle on ajoute quelques gouttes de sève. Les acides aminés et les amines qui réagissent à certaines altérations du goût du sirop d’érable viennent se lier aux nanoparticules d’or, provoquant ainsi leur agrégation et modifiant l’interaction de la lumière avec la solution: cela fait donc passer la solution du rouge au bleu - un changement qui peut être observé à l’oeil nu en quelques minutes.

Le principal avantage de ce test est qu’on l’utilise directement à l’érablière, où l’on interprète aussitôt les résultats pour réagir rapidement. Cette méthode extrêmement sensible, d’où son haut taux d’efficacité, fournit des informations fiables en temps réel sur les propriétés de la sève récoltée, qui indiquent la probabilité de produire du sirop d’érable de qualité.

«Au CRIBIQ, nous encourageons les partenariats entre les entreprises et le milieu de la recherche publique pour créer des solutions innovantes qui répondent à des besoins précis et qui sont viables du point de vue commercial. Le projet innovant du test COLORI s’inscrit dans la volonté du CRIBIQ de dynamiser les relations et la recherche collaborative industrie-université afin d’assurer à l’industrie acéricole québécoise une innocuité optimale du sirop d’érable mis en marché», a indiqué Mohammed Benyagoub, président-directeur général du Consortium.

D’une méthode de détection à une méthode de prédiction

Jean-François Masson, professeur de chimie à l’UdeM et coauteur principal de l’article scientifique Le test COLORI est issu d’une méthode antérieure mise au point en 2018 dans le laboratoire de Masson, en collaboration avec son agent de recherche de l’époque, Simon Forest, aujourd’hui chargé de projet en matière de développement et de recherche appliquée chez les Producteurs et productrices acéricoles du Québec. À sa première phase, le test colorimétrique, qui est basé sur l’utilisation de nanoparticules d’or, a permis d’exprimer l’intensité de certains profils aromatiques naturels du produit fini, tels que les caractéristiques de saveurs associées à la sève et au bourgeon.

«Le test COLORI, qui en est aujourd’hui à sa deuxième phase, est dorénavant prédictif: il fonctionne avec la sève de l’érable et permet de savoir si les composés présents dans la sève récoltée donneront un sirop de qualité, a précisé Simon Forest, qui est titulaire d’une maîtrise en chimie de l’UdeM. Le test s’avère un outil utile pour la prise de décision: bouillir ou ne pas faire bouillir une sève qui ne donnera pas la qualité de sirop d’érable attendue par exemple.»

Pour passer du test COLORI de première génération au test COLORI prédictif, les scientifiques ont demandé à plusieurs producteurs et productrices acéricoles de participer à trois séries de tests sur le terrain. De plus, ils ont fait appel à la professeure Morgan Craig, du Département de mathématiques et de statistique de l’UdeM, pour élaborer un modèle mathématique permettant de prédire quel type de sirop d’érable sera produit en fonction du profil moléculaire de la sève, dont ses acides aminés. «Son modèle donne une indication de ce que sera le produit fini et permet aux acériculteurs de mieux gérer leur production», a souligné Jean-François Masson.

En lecture:

Cas à succès du CRIBIQ: le test COLORI

Un test prisé bientôt accessible au plus grand nombre

La production de sirop d’érable est l’un des principaux moteurs du secteur bioalimentaire québécois. En effet, la contribution économique au produit intérieur brut québécois de la filière acéricole en 2022 s’élevait à un milliard de dollars. Avec 13 300 producteurs et productrices acéricoles et une production qui a atteint quelque 95 millions de kilos en 2022, le Québec est le premier producteur de sirop d’érable au monde, fournissant près des trois quarts de toute la production mondiale.

Ainsi, afin d’établir sa valeur marchande, le sirop d’érable québécois est scrupuleusement goûté, inspecté, vérifié et classé chaque année en fonction de critères établis par la Convention de mise en marché du sirop d’érable . L’implantation à grande échelle du test COLORI permettra donc d’évaluer et de catégoriser la sève d’érable avant de produire le sirop d’érable, et ce, à moindre coût.

«La production d’un sirop d’érable de qualité est au coeur des préoccupations des acériculteurs et acéricultrices du Québec, a déclaré Luc Goulet, président des Producteurs et productrices acéricoles du Québec. Le test COLORI, qui sera commercialisé à grande échelle dès 2024, offre à notre industrie une solution unique afin de peaufiner ses processus et continuer à faire rayonner le sirop d’érable québécois.»

À propos de l’étude

L’article «Prediction of maple syrup quality from maple sap with a plasmonic tongue and ordinal mixed-effects modelling», par Simon Forest et ses collaborateurs, a été publié le 21 mars 2023 dans la revue ACS Food Science & Technology.

À propos des Producteurs et productrices acéricoles du Québec

Les Producteurs et productrices acéricoles du Québec représentent les intérêts de 13 300 acériculteurs et acéricultrices et de plus de 8000 entreprises acéricoles. Le Québec assure en moyenne 72 % de la production mondiale de sirop d’érable et exporte dans plus de 70 pays. ppaq.ca

À propos du CRIBIQ

Le Consortium de recherche et innovations en bioprocédés industriels au Québec (CRIBIQ) est l’un des neuf regroupements sectoriels de recherche industrielle créés et financés par le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie du Québec. Sa mission est de promouvoir et soutenir la réalisation de projets innovants dans les filières industrielles de la bioéconomie, fondée sur la transformation et la valorisation des bioressources agricoles, marines, forestières et résiduelles. cribiq.qc.ca

À propos de l’Université de Montréal

Montréalaise par ses racines, internationale par vocation, l’Université de Montréal compte parmi les plus grandes universités de recherche du monde et figure dans le groupe des cinq meilleures universités de langue française. Avec ses écoles affiliées, Polytechnique Montréal et HEC Montréal, l’UdeM récolte annuellement plus d’un demi-milliard de dollars en fonds de recherche, ce qui la situe parmi les premiers pôles de recherche universitaire canadiens. Elle rassemble près de 70 000 étudiants, 2 300 professeurs et chercheurs et un réseau de 450 000 diplômés actifs partout dans le monde. umontreal.ca

Précédent

Les géographes du monde réunis en congrès hybride pour réduire leur empreinte écologique